LA MORPHOLOGIE NOMINALE DU LATIN VULGAIRE
Les bouleversements phonétiques apportés par le latin vulgaire à la langue classique ont d'importantes conséquences sur la morphologie, nominale comme verbale.
1. Le genre
Le latin classique, disposant de trois genres nominaux, connaissait déjà des hésitations relatives au neutre.
En latin vulgaire, les abandons du neutre vont se multiplier :
- les neutres en –um/–i et en –us/–oris s'alignent sur les masculins en –us/–i :
Exemples
templum/templi → *templus/templi
tempus/temporis → *tempus/tempi
- les neutres plus couramment employés au pluriel –a/–orum s'alignent sur les noms féminins en –a/–ae :
- les autres noms neutres refont leur déclinaison en s'alignant tantôt sur des masculins tantôt sur des féminins :
Exemples
caput/caputis → *capus/capi
mare/maris → *maris/maris
Cette élimination progressive du neutre (on admet généralement qu'elle aboutit au VIIe siècle dans le secteur strictement nominal) s'accompagne d'échanges de genre entre certains masculins et certains féminins : les masculins abstraits deviennent féminins (dolor), les noms d'arbres féminins deviennent masculins (malus, prunus)…
2. La déclinaison
2.1. Les paradigmes
Le nombre des paradigmes, c'est-à-dire des modèles, de déclinaison, se réduit en latin vulgaire, une assimilation parfois entamée dès le latin classique pour certains noms :
- les noms de la 4e déclinaison s'alignent sur ceux de la 2e :
Exemple
fructus/fructus → fructus/fructi
- ceux de la 5e s'alignent sur ceux de la 1re :
Exemple
nures → *nura
de sorte que ne subsistent plus en latin vulgaire que trois des cinq paradigmes de la déclinaison nominale du latin classique.
Plus sporadiquement, des glissements analogiques ont lieu pour des noms des trois premières déclinaisons :
Exemple
juventus/juventutis → *juventus/juventi
2.2. Les marques flexionnelles
Parallèlement à la réduction des paradigmes, le latin vulgaire connaît également une réduction du nombre des cas, qui va toucher semblablement les domaines du nom et de l'adjectif (la déclinaison des pronoms sera plus résistante).
L'amuïssement du [m] final dès la fin de l'époque classique, le bouleversement vocalique qui a pris place entre le IIe et le Ve siècles, le changement de nature de l'accent au IIIe siècle ont successivement eu des conséquences importantes dans le domaine de la déclinaison nominale. En effet :
- causam (acc. sing) se prononce en latin vulgaire comme causă (nom. sing) et causa (abl. sing.) ;
- murum (acc. sing.) se prononce comme muro (dat./abl. sing.).
On admet qu'il n'existe plus au Ve siècle que deux cas : le nominatif et l'accusatif. Les premiers cas abandonnés sont le vocatif, ainsi que l'ablatif (pour des raisons qui s'expliquent à travers les exemples donnés ci-dessus) ; vient ensuite le génitif et enfin le datif.
1 Déjà admis en latin classique.